317 Therese d-Avila
317
Ste Thérèse d'Avila
Vie, chap. 6
extrait
Quel empire est comparable à celui d'une âme qui, de ce faîte sublime où Dieu l'élève, voit au-dessous d'elle toutes les choses du monde, sans être captivée par aucune ? Qu'elle est confuse de ses attaches d'autrefois ! Comme elle s'étonne de son aveuglement ! (...)
Elle comprend que l'honneur digne de ce nom n'est point mensonger, mais très véritable, qu'il estime ce qui mérite de l'être qu'il considère comme un néant ce qui est un néant, car tout ce qui prend fin et n'est pas agréable à Dieu est néant, et moins encore que le néant...
Quel empire est comparable à celui d'une âme qui, de ce faîte sublime où Dieu l'élève, voit au-dessous d'elle toutes les choses du monde, sans être captivée par aucune ? Qu'elle est confuse de ses attaches d'autrefois ! Comme elle s'étonne de son aveuglement ! Quelle compassion elle porte à ceux qu'elle voit dans les mêmes ténèbres, surtout si ce sont des personnes d'oraison, et envers qui Dieu se montre déjà prodigue de ses faveurs ! Elle voudrait élever sa voix pour leur faire connaître combien ils s'égarent ; quelquefois même elle ne peut s'en défendre, et alors mille persécutions pleuvent sur sa tête. On l'accuse de peu d'humilité ; elle prétend, dit-on, instruire ceux de qui elle devrait apprendre. Si c'est une femme, on lui fait encore plus vite son procès. Et on a raison de la condamner, parce qu'on ignore le transport qui la presse. Souvent, incapable d'y résister, elle ne peut s'empêcher de détromper ceux qu'elle aime. Elle voudrait les voir libres de la prison de cette vie, où elle a été enchaînée elle-même ; car, elle le voit clairement, c'est bien d'une prison qu'elle a été tirée.
Elle gémit d'avoir été jadis sensible au point d'honneur, et de l'illusion qui lui faisait regarder comme honneur ce que le monde appelle de ce nom. Elle n'y voit plus qu'un immense mensonge, dont nous sommes tous victimes. Elle comprend que l'honneur digne de ce nom n'est point mensonger, mais très véritable, qu'il estime ce qui mérite de l'être qu'il considère comme un néant ce qui est un néant, car tout ce qui prend fin et n'est pas agréable à Dieu est néant, et moins encore que le néant. Elle se rit d'elle-même en songeant qu'il y a eu un temps dans sa vie où elle a fait quelque cas de l'argent, et où elle en a eu quelque désir. A la vérité, je n'ai jamais eu à me confesser d'un tel désir ; c'était une assez grande faute pour moi d'avoir accordé quelque estime aux richesses. Si l'on pouvait avec elles acheter le bonheur dont je jouis, je les priserais extrêmement ; mais je vois au contraire que pour obtenir ce bonheur, il faut renoncer à tout.
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